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Dans une langue en grande partie inventée, bouillonnement de mots, éruption d’images, feu d’artifices de sons et de sens entremêlés... Un spectacle avec Dieu, Adam et Eve, la guerre, le sexe, la mort, «l’exécution du porc Sapoléon», ce que vous avez voulu savoir sur l’amour, «l’arrivée au trou d'force de Pantalard Champion Premier», la danse du verbe du feu, et plein d’autres fistules...

 

Le Monologue d’Adramélech théâtralise la vie intérieure, évoque une personne humaine à travers les milliers de personnages qui la composent, d’images et de morceaux de pensée qui la traversent. Une personne qui nous ressemble, pas bien riche, effrayée par les horreurs des guerres du XXème siècle, pas très à l’aise avec le sexe, assaillie par des angoisses existentielles... « Adramélech ! -Sire ? -Je t’ai formé de limon. -Et où je vais ? »

Le texte est bondissant, l’acteur amené à changer sans arrêt de personnage et de mode (tragique, bouffon, réaliste-poétique, dramatique, vaudevillesque). Le rythme est très enlevé. La langue aux mots déformés nous oblige à voir l’image poétique dans sa force et son immédiateté, avec une façon fulgurante de comprendre les choses, au delà de la réflexion.

Le précédent solo Magies partait du principe d’accrocher les gens et de leur plaire, pour ensuite chercher le maximum de qualité artistique. Là, nous partons du principe inverse : le texte de départ impose une grande exigence. L’œil extérieur, Florence Bernard, partage mon rejet d’une certaine forme de jeu « insincère », « faux ». Un autre garde-fou est une sainte haine pour la joliesse.

Comme pour nos autres spectacles, nous voulons qu’aucun savoir ne soit requis pour apprécier. Nous sommes servis par ce texte, qui varie à l’extrême les niveaux de langage, et se pose d’entrée au-delà du rationel « marmilliards de billions... » : le spectateur qui ne comprend pas quelque chose ne se croit pas exclu par son « inculture » . De fait, le spectacle fonctionne même mieux sur des publics peu habitués au théâtre.

Difficile à comprendre à la première lecture, Le Monologue d’Adramélech est passionnant à recevoir et à jouer. A l’opposé du «théâtre dans un fauteuil», il n’est pas fait pour être lu mais pour être partagé lors d’une représentation. Ce n’est pas tellement à l’intellect qu’on s’adresse ici. On ne peut comprendre que si l’on accepte de ne pas comprendre ; le sens est préconscient, les images sont fortes et ambivalentes, ce sont des flashes comme dans les rêves où l’être entier entre en résonance.

Le sens se révèle progressivement au comédien au fur et à mesure du travail sur le texte, pour être, lors de la représentation, transmis de façon immédiate au public. Nos guides pour l’interprétation sont l’évidence, la nécessité. Le jeu cherche à exprimer simplement la réalité intérieure dans une forme dépouillée, non parasitante.

 

 

La compagnie La Lune Rouge a commencé par produire deux solos : Magies, mis au point dans la rue, spectacle mêlant tours de magie, jonglage, humour et poésie, et Femmes à la Une, montage à partir de textes de Franca Rame et Dario Fo. Le Monologue d’Adramélech n’est pas sans évoquer la dramaturgie de plusieurs pièces de Fo : La résurrection de Lazare par exemple, où l’acteur joue le marchand de cacahuètes, les personnages composant la foule, Lazare ... etc. C’est un parti-pris traditionnel, qu’on retrouve par exemple dans le Roman d’un acteur ; le comédien joue tout, le scenario n’a aucune limite. Peter Brook a parfaitement évoqué cette technique de « l’acteur monde ».

Le tempo, plutôt dionysiaque, est dans l’ensemble soutenu ; il y a un «beat», une pulsation. Michel Bernardy, dans son livre Le Jeu Verbal, explique pas à pas comment la syntaxe de la phrase dicte les pauses et les intonations. Un texte, et celui-ci tout particulièrement, peut être considéré comme la partition d’une matière sonore. La langue, en grande partie inventée, n’est pas de l’ordre du discours logique seul. La parole est avant tout la vibration produite par le mouvement d'un corps. Ma pratique de la diction s’appuie sur trois ans au conservatoire de Clermont-Ferrand, puis deux ans au Conservatoire Royal de Bruxelles dans la classe de Pierre Laroche. Nika Kossenkova aussi m’a donné des repères fondamentaux en ce qui concerne la voix.

Nous ne partons pas d’un point de vue trop intellectuel. C’est la pratique de la déclamation sur les planches qui nous guide. Le résultat est subversif, par les images de guerre, la façon d’évoquer la sexualité, divers propos, mais surtout par l’exemple du dépassement de soi, et celui d’une liberté essentielle.

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